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{Bro} 7 étapes sans toi

{Bro} 7 étapes sans toi

Tous les matins,  j'ouvre les yeux, c'est d'abord le silence, puis j'entends ma fille gazouiller et rire dans son lit, j'entends la respiration de mon mari... tout va bien dans le meilleur des mondes et puis la réalité, la baffe, la douleur, le manque d'air : il n'est plus là !

Toutes les nuits où presque, je m'endors avec difficultés, beaucoup beaucoup de difficultés, certains me diront que c'est la reprise du travail, l'inquiétude d'être maman, le stress de la vie tout simplement mais au fond je sais : il n'est plus là... et puis il y a les réveils, les angoisses, ceux là, ce sont les pires... seule, dans l'obscurité à se dire des "et si", la sensation d'étouffer, trop chaud, trop froid, trop seule..

La journée, même 18 mois après, je me surprends encore à me dire : oh tiens je vais l'appeler, lui envoyer un sms, juste lui dire une connerie et puis je réalise...

J'ai longtemps crû que les 7 étapes du deuil étaient une invention des psys pour redonner un espoir à leurs patients, pour essayer de donner comme une date, une fin, un but... à tout ce chaos, à toute cette douleur, à l’horreur de la perte...

7 étapes : le choc, le déni, la colère, le marchandage, la dépression/la tristesse, l'acceptation, reconstruction.

Et puis j'ai lu beaucoup... je me suis documentée, pour moi bien sûr, pour les autres aussi. J'ai essayé de comprendre mon propre fonctionnement...

Certaines phases durent bien plus longtemps que d'autres et puis on avance pour mieux régresser ensuite... la perte d'une personne que l'on aime est sans l'ombre d'un doute la pire chose au monde et elle est souvent proportionnelle aux relations que l'on entretenait avec la personne, à l'attachement et surtout à la manière dont la personne est décédée.. Rien ne peut nous préserver de cette douleur et même si c'est la suite logique des choses (et encore dans mon cas pas tellement), rien ne peut nous y préparer... mais enfin je pense mieux gérer la perte d'une personne âgée de 90 ans que de mon petit frère... je dis ça, je dis rien.

J'ai lu qu'il faut "grosso modo" deux ans pour commencer à sortir la tête de l'eau... 2 ans où l'on essaye de survivre, de se raccrocher à la vie, aux autres et puis à soit-même au final.

Je sais aujourd'hui que je ne suis plus une seule seconde la même qu'il y a 18 mois...

J'ai appris la mort de mon frère via les réseaux sociaux, j'ai reconnu sa voiture sur une photo publiée sur le fil FB du journal local... j'ai essayé de l'appeler encore et encore... mais bien sûr en vain.. et puis j'ai appelé mes parents qui eux non plus ne savaient pas.. ils sont allés voir sur place et la sentence est tombée : c'est bien lui... Personne n'avaient encore eu le courage de venir les voir...

Je me souviens m'être assise et avoir pensé à eux, avant de penser à moi, je me souviens avoir passé 2/3 coups de fil... je me souviens avoir réglé des petites choses, je me souviens tout d'un coup du choc... des larmes, la douleur, le coeur qui s'arrête et qui ne repart plus vraiment réellement, je me souviens de la nuit à attendre pour pouvoir partir dans ma Lorraine... Le choc a été brut, intense, sourd, comme l'impact qui l'a tué ... j'ai perdu ce jour là une partie de moi, la meilleure partie de moi comme je le dis souvent, ma soupape, celui que je pouvais appeler n'importe quand, celui qui savait tout, mes démons et le reste.

Je pense que ma phase de déni a été la plus courte... j'ai rapidement compris que oui il est bien mort parcequ'il faut prendre des décisions, gérer les obsèques, gérer les gens qui la plupart du temps en voulant vous apporter du soutien rendent les choses encore plus lourdes... Nous avions parlé tous les deux de nos obsèques suite à la mort d'une de nos tantes, je savais : pas de messe, pas de religion, le stricte minimum, juste les gens qu'on aime, sobre, ok pour le don d'organes, un cercueil fermé, pas de gnan gnan ... alors j'ai respecté tout ça, contre vents et marées, même si aujourd'hui on m'a fait le reproche de ne pas avoir invité aux obsèques, où encore d'avoir refusé les fleurs, (oui oui oui et FUCK pour voir !!), je suis droite dans mes pompes, j'assume !!! pas de photos dans le journal, une tenue fun, bref lui et moi dans notre splendeur... il y a des moments qui vous marquent à jamais dans une vie, des moments qui sont gravés au fer rouge : choisir sa dernière tenue, valider un cercueil, choisir une typo pour une plaque mortuaire, écrire une nécrologie, appeler SFR, les impôts, les assurances et le reste, assister à une crémation au 1er rang, ne pas sourciller, ne pas pleurer où juste un peu beaucoup, tenir, assumer, écouter nos chansons une dernière fois, juste lui et moi...

La colère m'est tombée dessus bien sûr... une colère contre lui, contre moi, contre le monde, j'en ai voulu au monde entier mais surtout à moi même.. oser rire à nouveau, oser sortir, prendre du bon temps... alors que lui... comme si la promesse de ne plus rire, le ferait revenir un jour... le marchandage a été pour moi en osmose avec la colère...

Et puis la tristesse... un gouffre de souffrance, le grand canyon de la dépression, le rodéo de la mort et la vie en moi, comme une bouffée d'oxygène...

J'ai appris ma grossesse en pleine dépression... après 2 ans d'essai, je pensais juste que mon corps mettait un frein à tout ça, à bout de nerfs, à bout de tout... et puis le test positif et la souffrance... le deal... le perdre lui, la découvrir elle...

C'est une phase vicieuse, une phase couplée avec l'acceptation... j'ai bien pris en compte qu'il est mort, mais pourtant je me surprends encore à vouloir lui parler... c'est sans doute que je ne suis pas encore prête à le laisser vraiment partir.

Ce sont les réveils nocturnes, les angoisses, les larmes pour quelques notes de musique, les larmes pour une réplique de films, des jours avec et des jours sans...

Et puis la reconstruction... pas le choix, j'ai envie de vous dire, enfin en apparence sans doute... il faut accepter que plus jamais la vie ne sera la même, que plus jamais ce ne sera comme avant, je suis cassée au fond de moi, et ça personne ne pourra jamais le comprendre, ni me réparer... ma fille a mis un peu de colle mais cette blessure là, c'est la mienne au final.

Certaines dates vont être toute ma vie une douleur, certains moments seront à jamais gravés, certains moments qui étaient beaux, seront désormais douloureux... je ne sais pas si je suis réellement dans une phase bien définie, je pense juste qu'en fonction du jour je cumule tristesse/acceptation et reconstruction.

Je pense à lui tous les jours, vraiment... sans doute parcequ'il est avec moi tous les jours... et puis sans doute aussi parcequ'il faisait partie de ma vie comme ça avant, ce serait l'enterrer une seconde fois que de ne plus parler de lui... parfois je touche avec délectation ce petit objet et cet autre là-bas, je rigole de ce crâne qui trône dans ma maison et qui horrifie les gens de passage, je me surprends encore à reniffler son t-shirt, son essence, je l'écoute chanter ou juste dire des conneries, merci les nouvelles technologies...

Je sais aussi aujourd'hui que c'est un chemin personnel que de faire son deuil, une pierre que l'on porte seule sur son dos, que tout le monde avance à son rythme, je sais qu'il faut avoir fait le choix d'avancer, que tous les chantages du monde ne feront pas avancer le processus plus rapidement, je sais que toutes les personnes ont une façon bien à elle de gérer et que même si l'on a connu un deuil, ils sont tous différents...

En faisant mes recherches, j'ai trouvé une jolie idée pour ne pas oublier des moments, des instants... j'ai acheté un joli bocal, et à présent quand un souvenir me revient je le note pour ne pas l'oublier et surtout pour le raconter à ma fille plus tard, quand elle posera des questions...

Le perdre a été le moment le plus horrible de toute ma vie mais aussi ma plus grande force... aujourd'hui, je sais qui je suis mais surtout je n'ai plus peur de dire quand je ne suis pas d'accord ou qu'une situation ne me convient pas. Je sais que la vie est courte, qu'elle peut s'arrêter là comme ça, sans prévenir... j'essaye depuis de profiter de ce que l'on m'offre, de ce que j'ai, même si j'ai encore des progrès à faire, je ne suis plus la même. Je n'ai par contre que peu de patience ou de soupapes, c'est sans doute le revers de la médaille... quoi de plus grave que sa mort ? tu as une grippe ?! tu as des soucis d'argent ? un bouton sur le front ? un cancer ? oui mais tu en es vie... bats toi !!! tu as cette chance incroyable de pouvoir te battre quoi qu'il arrive...

Alors tous les jours, je me bats contre mes démons, pour lui, pour elle, pour moi un peu aussi... je suis tous les jours un peu plus consciente de son absence, de mon manque et du lien incroyable qui nous liait, non parce que ce n'est pas facile, frère et soeur, cela peut-être juste un lien du sang mais pour nous, c'était bien au-délà, je le sais, je l'ai toujours sû au fond.

Il est et restera à jamais, mon Précieux... je t'aime plus qu'hier et moins que demain, à jamais...

Merci à toi d'être resté dans ma vie, je me rends compte de la chance immense que j'ai eu de t'avoir à mes côtés, même si ce fut bien trop court..

Pour terminer, juste quelques mots gravés à jamais : ...

And if you go, I wanna go with you
And if you die, I wanna die with you...

 

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M
Toutes mes condoléances, ce doit être terrible de perdre un frère, mais c'est un bel hommage que tu lui écrit, bon courage.
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B
Bonjour j'ai découvert ton blog en lisant les liens chez Marie-Christine, http://mariechristine.canalblog.com/ une personne que je connais depuis un moment avec ses chats et qui lutte aussi contre une maladie. Certes elle est en vie mais emprisonnée en quelque sorte. J'admire ce que tu as écrit, c'est magnifique toutes ces paroles et on sent vraiment que tu t'en sors, un grand bravo. Sache qu'on n'oublie jamais la disparition d'un être cher même si les souffrances s'apaisent au bout de quelques temps, voire années. On vit avec et on avance car l'être cher disparu n'aurait pas souhaité que l'on se laisse aller. Maintenant ta poupée a besoin de toi comme toi tu as besoin d'elle, une belle preuve d'amour. Je te souhaite un bon courage, c'est encore frais, mais le plus gros est passé. La vie n'est pas un long fleuve tranquille nous avons tous des peines plus ou moins graves à surmonter mais on y arrive car une belle chose que tu as dite : on est vivant, ils sont vivants ! Bravo à toi
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L
A chaque fois, quelle émotion en te lisant.<br /> Courage ma belle <3
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M
Ton article est magnifique ma copine. Vraiment magnifique et si ... limpide. Il montre à la perfection tout ce que tu as vécu et tout ce que cela a changé en toi. Il est vrai cet article. Juste vrai et c'est infiniment touchant lorsque l'on te connait. Tu explique à la perfection combien tout cela est personnel et unique, combien personne ne peut savoir ou comprendre ce que tu traverses. C'est vrai tu as perdu en compassion mais tu as gagné en beaucoup d'autres choses. Ce n'est en aucun cas une consolation mais... c'est très important d'en être consciente. <br /> Tu as toutes les raisons du monde d'être droite dans tes bottes. Prends soin de toi comme tu le fais depuis 18 mois avec les jours avec et les jours sans. Je t'embrasse très fort. <br /> ps : moi il ne me gêne pas ce crâne lol (euh enfait je ne sais même pas où il est)
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